Le festival international du film documentaire Millenium – édition 2019 – vient tout juste de récompenser Alexandra Kandy Longuet du prix du meilleur film dans la compétition cinéma belge, pour son film Vacancy (sortie en salles au Cinéma Galeries le 3 avril dernier).

Vacancy montre les laissés-pour-compte de l’Amérique. Ceux qu’on ne voit pas, ou plutôt si, mais du coin de l’œil, dans les rues de Vegas, dans un fast-food poisseux, au 711 de la station-essence, ou errant autour d’un motel.

Alexandra Kandy Longuet a choisi de filmer cette vie en marge pour mettre subtilement et sublimement la lumière sur ces gens. Ils deviennent alors des personnages de film, se dévoilant avec pudeur et dignité, se raccrochant aux fragiles objets de leur vie qu’ils trimballent avec eux, de motel en motel, comme des vestiges de leur vie d’avant. « These people… They had their lives », comme le dit l’un des personnages en nous présentant de nuit le cimetière de fortune où reposent ceux qui ont échoué là, dans le désert, en marge de tout.

Ces anonymes ont des noms : Beverly, Vern, Mani, Les et Kevin. Ils incarnent à eux cinq cette Amérique impitoyable qui vous broie si vous quittez le droit chemin… Marche ou crève. Sauf que Beverly et ses comparses ne crèvent pas. C’est bien ça le problème ! Ils errent, coincés dans les limbes entre deux vies : celle d’avant – celle du baron de la drogue, de la mère de famille, de l’ingé son ou du prisonnier – et celle d’après, éternellement hypothétique, qui devrait être une vie paisible de retraités, lisant, faisant des mots croisés, siestant devant la télé. Rien de tout ça pour ces personnes trop vieilles pour oser s’en sortir, pour être récupérées et aidées. Elles doivent encore faire des choses peu recommandables « des mauvaises choses » comme le prédit Les. Elles sont au purgatoire. Tous les soirs elles repensent à ce qui les a menées là et doivent se coucher avec leurs fantômes. Vern les sent, ces fantômes. Ceux de Vegas aux doigts coupés par la mafia. Ceux du cimetière de paumés de la vie, qui reposent sous les étoiles du désert californien.

Le motel, en bord d’autoroute ou au milieu du désert est le lieu de vie de ces âmes en peine. Alexandra Kandy Longuet s’est infiltrée dans cette Amérique post 2008, où se retrouvent des gens qui ont en commun d’avoir tout perdu, du jour au lendemain. On pense à Bagdad Café, à Florence Project, à Twin Peaks et Lost Highway, et à toutes ces « scènes de motels » avec des bandits planqués, des prostituées paumées, des jeunes en fuite ou des familles ballotées. C’est comme dans les films…

Le superbe cadrage de Caroline Gumbal, mêlé au travail du son de Jean-François Levillain, nous placent en immersion dans ce monde interlope. On est très près de ces gens, sur leur peau, dans leur souffle, jusqu’à finir par errer avec eux sous les lumières du strip ou dans la poussière du cinégénique désert californien.

 

Rencontre avec Alexandra Kandy Longuet, la réalisatrice de Vacancy :

Le Lab. : Quand le film se termine, on a très envie de savoir ce que les personnages sont devenus…

AKL : Beverly va bien ! Elle a dû changer de motel car les relations étaient devenues trop tendues avec le manager. Elle est au Palace [l’ironique nom du motel, ndlr] depuis plus ou moins 15 ans. Elle a dû en partir parfois, parce qu’elle n’avait pas les moyens de payer sa chambre, ou bien parce qu’elle était à l’hôpital ou en prison. Le manager lui a fait quelques coups tordus comme vendre ses affaires pendant son absence. Elle vit toujours sur le strip, dans un motel encore plus rude. Elle a récupéré une voiture, ce qui la rend plus mobile, mais est contrainte de repasser son permis pour récupérer ses « points ». Son fils est venu lui rendre visite et elle aimerait retourner le voir. Son quotidien se poursuit, d’une manière assez semblable à ce que j’ai connu. Je crois que tout ça fait partie de la vie de Beverly. Quand on la connait, on se sent un peu maternant avec elle. Elle espère ne pas finir ses jours ici, mais elle ne met rien en place pour s’en sortir, pour changer. Elle s’est habituée à cette vie-là, et vivre seule dans un appartement pourrait être déboussolant. Et puis il y a l’addiction. Sortir d’une addiction c’est déjà très compliqué, c’est un travail sur soi énorme. L’entreprendre seule, dans une situation économique aussi fragile, c’est encore plus difficile.

Quant aux hommes… Rien n’a changé. Kevin est de plus en plus sombre, c’est un peu sa trajectoire.

Vous montrez les laissés-pour-compte de l’Amérique, mais à aucun moment du film – ou presque – les personnages font allusion à un contexte économique et social, à la crise de 2008… Quand ils justifient leur vie de maintenant, ils évoquent plutôt leurs choix de vie qui ont fait qu’ils en sont là aujourd’hui, avec beaucoup de regrets. Est-ce que votre film est un film sur le libre arbitre de l’être humain ?

Certainement ! Le film travaille différentes questions. D’une part je ne voulais pas faire un reportage ou une enquête sociologique qui viserait à présenter la population des motels dans son intégralité. Mais je me suis arrêtée sur les rencontres fortes que j’ai faites. Il y avait aussi une famille, et une sans-papiers mexicaine qui vivaient là depuis 25 ans… Pour moi, il ne s’agit pas d’expliquer, de justifier la vie de ces personnes. Le fait de choisir des gens qui ont tous un parcours différent, et de ne prendre que ce qu’ils veulent bien partager avec nous, de façon assez fragmentée, et que ces récits se fassent écho, résonne effectivement avec quelque chose de plus large.

Vous avez donc filmé des personnes aux origines et horizons divers. Pourtant, vous avez pris le parti de ne montrer que les « vieux » ? Pourquoi ce choix ?

Il y a plusieurs raisons. D’abord, les gens que j’ai rencontrés avaient plutôt un certain âge. Les gens plus jeunes qui se retrouvent à vivre dans un motel, sont dans une situation très précaire et sont très concernés par leur survie immédiate. Ils essaient de trouver un moyen de s’en sortir, ou bien sont complètement en train de couler dans ce système de survie et tout ce qui s’ensuit : prostitution, problèmes de drogue, etc. La mère de famille a fini par réussir à sortir des motels, grâce à une association, et un an et demi après, c’était trop dur pour elle de revenir sur cette histoire.

Pour la plupart, les gens jeunes n’étaient pas intéressés par une participation au film car trop préoccupés par leur propre survie. Ils auraient sans doute été intéressés s’il y avait eu un intérêt financier en jeu. Ensuite, les plus âgés ont ce recul sur leur vie. Ils tirent des bilans et font la balance. Beverly sait comment naviguer à l’intérieur de ce monde. Elle a besoin de se réconcilier avec elle-même car elle réalise du jour au lendemain que son fils est en train de passer le cap des 18 ans, que ça fait 13 ans qu’elle ne l’a plus avec elle, et que le temps a filé.

Finalement, ce sont les rencontres, les possibilités qu’il y a eu avec les personnes disponibles, qui ont donné ce résultat. Ce sont, au final, les plus âgés qui sont les plus enclins à un vrai partage. Je ne veux pas voler quelque chose aux gens, et qu’il n’y ait pas un vrai rapport entre nous. Il s’est trouvé que ceux avec qui j’avais une relation forte… c’était les vieux ! Alors je n’allais pas choisir des gens juste parce qu’ils ont vingt ans. Raconter sa vie d’adulte quand on a 20 ans… ça n’est pas la même chose !

Et puis… Dans de tels endroits, le fait d’être une femme joue, la différence d’âge joue. C’était intéressant aussi d’avoir ce rapport-là avec ces personnes.

Dans votre film, beaucoup d’éléments cruciaux de la vie de ces gens sont suggérés. La drogue, la prison, la prostitution… Presque rien n’est montré clairement. Les vies de ces gens sont parfois juste racontées par les objets qui les entourent. Est-ce une volonté de votre part de rester très allusive ?

La forme des films découle toujours de choses que vous voulez raconter, mais aussi des gens que vous rencontrez. On est dans un endroit précaire, marginal, mais les gens que j’ai rencontrés sont tous des gens qui avaient une très belle humanité, qui étaient très solaires. Beverly garde la tête haute, malgré une existence très dure. Ce sont aussi des gens pudiques. Il était important de respecter cette pudeur parce que c’était raconter vraiment qui ils sont. Ça ne m’intéressait pas de filmer Beverly en train de préparer sa pipe à crack ou de se prostituer. En revanche, le diluer à l’intérieur du film et faire confiance à l’intelligence du spectateur, cela m’intéressait davantage. Le montage est une accumulation. On a l’image de Bev qui déambule dans la rue, qui attend devant sa porte, etc., ce qui fait qu’à la fin, on a très bien compris ce qu’elle faisait. On n’a pas besoin de le voir. Pour l’addiction, c’est beaucoup plus fort : son petit singe qui la tire par l’épaule, les remords et la culpabilité que ça entraine, plutôt que la défonce au réveil. Pour construire le film, de fait, j’ai besoin de connaitre l’histoire des personnages. Ils m’ont tous raconté leur histoire. Mais leur biographie intégrale, n’est, à mon avis, pas significative. On parvient à rendre compte d’une réalité plus juste par la fragmentation, par des bribes, et c’est parce qu’on a des bribes de Bev que ça va faire écho avec le parcours de Mani, Kevin, etc.

Pour Kevin, la relation a été très complexe sur le tournage, il demandait beaucoup de temps. On est partis ensemble en week-end, et tous les jours, il se bourrait la gueule. Tous les soirs, il venait me trouver et ressassait sa vie. Kevin a perdu sa femme d’un cancer, il l’a accompagnée, ça l’a démoli. Du coup il a perdu son job, sa maison, il a sombré dans l’alcoolisme et se retrouve là à bosser dans cette station-service et dort à l’arrière de la station. Dès qu’il devait être filmé, il devenait quelqu’un d’autre, plein d’optimisme, demain est un autre jour. Mais on coupait la caméra, et alors il était extrêmement sombre. Je ne pouvais pas mettre ces images-là dans mon film car il jouait un jeu devant la caméra ! La manière de rendre compte de sa présence, c’était donc de manière plus fantomatique.

Justement, la caméra semble littéralement vivre avec ces gens, vous les filmez pendant leur toilette, on les voit se réveiller, téléphoner à un proche… Comment avez-vous fait pour qu’ils ne deviennent pas acteurs, pour que tout reste naturel ? Avez-vous dirigé un minimum vos « personnages », ou pas du tout ?

C’est du documentaire, donc il ne faut pas s’illusionner complètement : ça n’est pas du cinéma direct. Je ne mets pas en scène, au sens strict du terme. En revanche, quand Mani me raconte qu’il est proche de son fils et qu’ils s’appellent tous les jours, ça aiguise ma curiosité. Mani et moi sommes à ce moment-là très proches, nous passons nos journées ensemble. Je lui demande donc s’il est d’accord que je filme le coup de fil à son fils le soir. Au moment où le coup de téléphone a lieu, je découvre que c’est son anniversaire. Le fait de filmer les gens provoque aussi des choses dans la vraie vie, ça va dans les deux sens.

La mise en scène s’arrête un peu là dans mon cas. Mais je peux aussi arrêter une action. Par exemple, quand Beverly décide de refaire son lit, je peux lui dire « attends deux secondes, on se met en place, on choisit le bon axe, et vas-y ». Mais l’action vient d’elle.

Il y a aussi des choses qu’on rate quand on les filme. On a ainsi tenté plusieurs fois de filmer Bev en train de se coucher, mais on n’a jamais été satisfaits du résultat. Il y avait cette idée de quotidien très répétitif, donc au final, on filmait plusieurs fois les mêmes choses.

Pour Beverly justement, vous la filmez à son réveil, mais elle dort encore. On entend la respiration de quelqu’un qui dort. Comment êtes-vous parvenues à la filmer ainsi ?

En travaillant la relation avec les protagonistes. Je ne voulais pas aller trop loin dans ma relation avec les gens. Je voulais qu’ils soient conscients que notre relation se faisait aussi de cette manière parce qu’on était en train de faire un film ensemble. Très vite après mes repérages, ma cadreuse Caroline Gumbal est venue me rejoindre et on a commencé à filmer. Et d’emblée, il y a eu cette notion de caméra, qui a amené quelque chose de nouveau : on faisait tous les trois quelque chose, ensemble. Je ne suis pas une psy, je ne suis pas une travailleuse sociale. On est en train de faire quelque chose, tous ensemble. C’est là qu’intervient le travail de Caroline, extrêmement féline, qui est capable d’aller au plus près des gens, sans que sa présence ne soit vécue comme une intrusion, mais plutôt comme quelque chose d’hyper organique, comme un ballet…

Le format sans commentaires s’est imposé d’office ?

Le commentaire, ça veut dire que tu racontes une autre histoire, ça raconte ta relation avec les gens. Or, le film veut raconter la vie des gens, le récit que les gens se font de leur propre vie. Il n’était donc pas justifié que j’intervienne à un quelconque moment.

Sauf une fois, où vous intervenez par la voix, avec une parole « Why ? » qu’on entend presque derrière nous. Le personnage, Vern, semble surpris, et nous aussi. Il vous regarde et donc nous regarde. Est-ce qu’à d’autres moments du tournage vous interveniez de la même façon ? Si oui, pourquoi avoir choisi de garder cet instant précis ?

Chacun des protagonistes a un rapport différent à la caméra. Bev parvient à nous oublier, d’une certaine manière. Elle fait sa vie, elle passe ses coups de fil, se parle un peu à elle-même. Mani parle tout le temps, Vern cherche vraiment notre présence.

Ce qui s’est passé, c’est qu’après cet échange avec Vern, cette question était difficile à supprimer au montage ; car si on ne gardait que la réponse, on ne comprenait pas le sens de la question qui lui avait été posée. Mais ça m’a semblé tellement significatif de l’oubli dans lequel ces personnes sont, de cette perte complète de repères. « J’ai complètement oublié ce que ce mot voulait dire, ça fait longtemps qu’on ne m’a pas posé la question », sourit-Vern… Tout est dit !

Certains personnages se croisent : Mani et Vern. Mais le seul moment d’interaction a lieu, de manière succincte, entre Bev et Les. Quels échanges ont ces personnages entre eux au quotidien ? Est-ce qu’il y a de l’entraide, ou simplement de la communication ?

C’est très compliqué et très cruel, car votre survie, c’est la vôtre. Aider d’autres gens, c’est se mettre en péril. Il y a un peu d’entraide, mais on est dans un milieu très fragile. Les amitiés sont rarement des amitiés de longue date. Dès qu’il s’agit de la drogue, il y a beaucoup de manipulation, des mensonges. Tu as besoin de sous, peut-être que tu ne pourras pas rembourser… Tout le monde est dans la merde.

Beverly a aidé Les, il est venu dormir dans sa chambre quelques fois, et vice versa. Mais Les se fait éjecter du Palace, Beverly doit continuer de vivre sa vie, sa chambre est aussi son lieu de travail.

Ces personnages vivent là mais se détestent. Il n’y a pas – ou très peu – de communication.

Vous êtes diplômée des Beaux-arts. Quelles sont vos références ? En voyant votre film, on pense évidemment à Lynch, mais aussi à Hopper, Ed Ruscha, Nan Goldin (pour les scènes en intérieur), ou encore à Sophie Calle (avec les objets témoins de l’absence…).

Sophie Calle, c’est une grande histoire d’amour. Dans mon premier film As she left, on ne peut pas passer à côté de la référence. Elle est évidente et assumée. Sophie Calle m’a aussi beaucoup marquée au niveau de l’écriture.  Les Beaux-arts sont un espace d’expérimentation hyper large. Il y a des gens comme Valérie Mrejen en vidéo, que j’aime beaucoup. Pour les références cinématographiques : Lynch évidemment, mais aussi Roberto Minervini… Mon film de chevet : Bloc-notes d’un cinéaste de Fellini. Il y a dans ce film une grande liberté : un peu de fiction et de documentaire avec tous les éléments de la vie et hop, tu peux le transformer en matière pour le cinéma.

C’est votre troisième film qui montre les États-Unis. Après la Nouvelle-Orléans – décor de vos deux films précédents – et les motels, est-ce qu’un autre espace de vie précaire (ou moins précaire d’ailleurs), symbole d’une autre Amérique, vous intéresse pour un prochain film ?

Je ne suis pas en train de travailler sur un sujet particulier à l’heure actuelle, mais c’est une possibilité, oui. Je pense à quelque chose qui serait lié au changement climatique, aux catastrophes écologiques… Mais je ne suis pas encore assez avancée dans ma réflexion pour le moment.

Pendant le film, les personnages, coincés dans des limbes entre deux vies, semblent attendre. Il y a ce personnage, Kevin, que vous filmez assis, pensif, à regarder dans le vide du désert californien. Rien ne se passe. On pense aux personnages de Beckett qui attendent Godot. Il y a de l’absurde, qui résonne formidablement avec le titre du documentaire « Vacancy ». Est-ce que votre film est aussi une réflexion philosophique sur le sens de la vie ?

Il y a une réflexion politique : c’est une réalité qu’aux US vous pouvez toujours tout perdre du jour au lendemain. Et le tissu est trop peu tissé et trop peu serré pour qu’il y ait un filet de rattrapage. C’est la dimension politique du film, sans être un documentaire d’investigation. Ça n’est pas juste un mythe, c’est une réalité qu’on aime investir : vous serez toujours mieux perçu, et vous aurez une meilleure estime de vous-mêmes si vous avez entrepris quelque chose et l’avez raté, plutôt que de n’avoir rien entrepris.

Sans entrer dans quelque chose de moralisateur, le constat est que ces individus sont broyés par quelque chose qui leur échappe. C’est un cycle pesant duquel ils ne peuvent pas sortir. Ils sont effectivement dans les limbes, physiquement dans les limbes. Les motels sont toujours construits en marge des villes, ils sont donc, de fait, dans une position physique en marge. Je ne pense pas à Godot, mais c’est très clairement l’image d’un purgatoire. On est là, on traverse son histoire, toute son existence, on y repense, et toutes les nuits on est habités par les mêmes fantômes. Quelle prise a-t-on sur ce quotidien ?

Vous avez choisi la Californie pour ce film… La misère est moins dure au soleil ?

Pas de mon expérience, non. Je ne crois pas. Et en l’occurrence, à Fresno [lieu de vie de certains personnages du film, ndlr], il ne fait pas très chaud, surtout la nuit !

Vacancy, le documentaire d’Alexandra Kandy Longuet, est actuellement en salle au Cinéma Galeries.

 

Amélie Micoud

 

 

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