Dans la vie, l’échec est inévitable et la plus grave erreur, c’est souvent d’avoir peur de se tromper. Si l’échec scolaire n’est pas un problème nouveau, l’angoisse qui lui est rattachée semble, quant à elle, s’accentuer ces dernières années. En Belgique comme en France, la réussite scolaire est devenue la condition essentielle pour une vie réussie : « pas de diplôme, pas de travail ». Et contrairement aux idées reçues, le décrochage scolaire ne se justifie pas par une paresse de l’élève. Comme le montre Natalie David Weill avec Bon à Rien, les problèmes se situent souvent là où on ne les attend pas…

(c) Natalie David Weill

Synopsis :

Rythmé par les trois trimestres de l’année scolaire et raconté essentiellement du point de vue de Charlotte, la mère – laquelle essaie de se rassurer en convoquant de grandes figures de « cancres » ayant superbement réussi dans la vie, d’Einstein à Daniel Pennac en passant par Edison ou Richard Branson -, ce roman traite avec humour et une autodérision salvatrice d’un sujet source d’insomnies et de zizanie pour de nombreux parents : l’angoisse de voir sa progéniture échouer à l’école et tous les excès auxquels cette angoisse mène. On s’y croirait.

RENCONTRE :

 Comme un agitateur de conscience, Bon à Riennous questionne et nous bouscule sur notre rapport à l’école. C’était votre intention première ?

Je voulais surtout poser la question de savoir comment faire lorsqu’on a un enfant différent ou lorsque vous-mêmes vous sentez que vous êtes différent. Comment faire pour s’en sortir sans être écrasé par la norme ? Lorsqu’on perd confiance en soi, c’est terrible et le chemin pour la regagner est très long. J’espère faire réfléchir le lecteur, je n’ai pas la prétention d’apporter une solution politique ou sociale si c’était le cas, je ferais de la politique.

 En lisant le livre, on a inévitablement envie de vous demander si vous aussi, vous étiez un cancre tout comme votre personnage principal ?

J’ai un rapport à l’école qui se construit sur plusieurs niveaux : j’ai des enfants qui sont allés à l’école, je suis professeure et j’ai également vécu cette situation de cancre. Je connais exactement le ressenti de cette stigmatisation où l’on a l’impression que notre vie est ratée sans même qu’elle est débutée.  Je sais de quoi je parle, car lorsque je suis arrivée en troisième, mes professeurs voulaient me faire passer en professionnel. Je me suis battue, j’ai défendu mon cas et j’ai beaucoup travaillé. Une fois mon baccalauréat en poche, j’ai obtenu mon doctorat de lettres. Vous savez, les cancres qui veulent réussir deviennent parfois de véritables stakhanovistes : ils ont tellement peur de l’imposture qu’ils veulent prouver à tout le monde qu’ils sont à la hauteur.

 Quelle est votre définition de la réussite ?

Si je prends mes personnages : pour le père de famille astrophysicien, c’est évident que la réussite scolaire prime sur le reste. Pour la mère, c’est l’équilibre familial qu’elle n’a jamais eu dans son enfance qui est synonyme de réussite. Finalement, si je devais résumer, pour moi la réussite, c’est parvenir à trouver l’équilibre entre qui on a toujours rêvé d’être et qui l’on est réellement.

Dans votre livre, vous avez choisi l’exemple traditionnel d’une famille nucléaire, pourquoi ne pas avoir choisi une famille recomposée ?

C’est vrai que j’ai choisi un modèle familial traditionnel car l’idée était de montrer comment est-ce que dans une famille où tout va bien, où tout semble parfaitement normal, tout peut exploser du jour au lendemain à cause d’un mauvais bulletin. C’est ce dysfonctionnement-là qui m’intéressait avec tous les dommages collatéraux occasionnés et les remises en question de chacun.

Vous utilisez beaucoup d’exemples de cancres célèbres tels que Thomas Edison, Albert Einstein, Darwin ou encore, Gustave Flaubert, qu’est-ce qu’ils vous inspirent ?

Oui j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir tous ces cancres qui ont eu des parcours brillants, ça m’a surtout appris à me dire qu’il faut avant tout faire confiance aux enfants. Darwin est l’exemple que j’aime souvent donner : c’était un véritable cancre, son père se plaignait qu’il passait son temps à regarder la nature et les oiseaux. Il voulait qu’il devienne prêtre en ne sachant plus quoi faire de lui. Un jour son professeur lui proposa de faire un voyage en bateau en lui proposant d’être naturaliste sur le voyage, son père refusa. Darwin lui désobéit et partit. La plus belle leçon que l’on peut tirer de cette histoire, c’est qu’il ne faut jamais écouter ses parents. Je suis convaincue, et c’est la thèse de ce livre, qu’il faut juste s’écouter soi-même.

Plus d’informations : Quand elle n’écrit pas, Nathalie anime un atelier d’écriture à Bruxelles.
Références : Bon à Rien, Natalie David Weill, Robert Laffont, 19€70

Elisa Brevet

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