Au fil de l’empathie  

« Les meilleurs éducateurs ne sont pas ceux qui s’attachent à être de parfaits modèles mais ceux qui ont conservé une passion créatrice pour la vie », G. Corneau

Il y a quelques semaines, j’assistais à la conférence de Catherine Guegen, pédiatre, sur l’apport des neurosciences affectives et sociales à l’éducation. Elle a mis en lumière de nombreuses recherches à travers le monde qui appuient le fait que des relations soutenantes et bienveillantes vont permettre au cerveau de se développer dans des conditions optimales.

En cheminant vers deux structures de notre cerveau, nous nous rendons compte de l’impact de la qualité de la relation sur leur développement. Une de ses merveilles est appelée cortex-préfrontal qui joue un rôle important dans nos émotions et permet à l’empathie d’exister en offrant la capacité à identifier de manière adéquate les émotions d’autrui et de pouvoir aussi y répondre.

Pour que cette zone puisse grandir elle a besoin d’amour, de bienveillance et d’empathie. Quand on éprouve de l’empathie pour l’autre, notre cerveau sécrète une hormone appelée “ocytocine”, l’hormone du bien-être qu’on appelle communément l’hormone du bonheur. Et de l’autre côté, celui qui la reçoit va, à son tour, se sentir relié au fil de l’empathie. Oui oui c’est contagieux !

De plus, ces attitudes bienveillantes vont impacter également de manière significative une autre structure du cerveau qui se nomme “l’hippocampe” qui joue, à son tour, un rôle important dans la mémoire et les apprentissages.

Ainsi, elle met en évidence que le stress, la violence physique et psychologique abîment le cerveau et rejoint en ce sens Bruce Mc Ewen, chercheur sur la biologie du stress, qui souligne que “l’adulte doit transmettre des valeurs, poser un cadre sans crier, sans menacer , sans punir car cela est un stress qui abîme le cerveau de l’enfant”.

Il paraît nécessaire de rappeler que chez l’enfant, avant l’âge de 6 à 7 ans, le cortex préfrontal est encore immature ce qui rend l’enfant sujet à des tempêtes émotionnelles importantes qui ne sont pas des caprices mais des réactions purement physiologiques. Des tempêtes face auxquels les adultes peuvent être parfois complètement démunis et qui nécessitent un cheminement sur ses propres émotions en tant qu’adulte afin de pouvoir accueillir et accompagner celles des enfants. Elle attire également notre attention sur les étiquettes qu’on donne aux enfants parfois à tout bout de champ “tu es méchant.e”,  “tu es maladroit.e” et même le “tu es gentil.le”, ce qui peut être très enfermant pour l’enfant, laissant très peu de liberté de mouvement.

Quand l’enfant vit une tempête émotionnelle, il a besoin d’être apaisé et quand elle est passée, il faut l’accompagner pour poser des mots sur ses émotions. C’est ainsi qu’il fera l’apprentissage de son intériorité.

Revenons un instant au cortex-préfrontal et au pouvoir infiniment beau qu’est l’empathie. En effet, lorsque cette zone est cajolée, elle permet à l’être humain de se connecter pleinement à soi et à l’autre dans un élan de coeur à coeur. Nous pouvons mettre en évidence trois niveaux d’empathie: l’empathie affective où on est dans la démarche de sentir les émotions de l’autre sans être dans la confusion avec ce que l’autre ressent. Ensuite, il y a l’empathie cognitive, lorsqu’on essaye de comprendre pourquoi l’autre ressent tel ou tel sentiment et enfin l’empathie dirigée vers le bien être d’autrui, qui est une façon de rechercher le bien être pour l’autre. Les recherches mettent en avant la plasticité importante du cerveau, qui peut se modifier, à savoir que, plus nous recevons de l’empathie, plus nous développons des attitudes empathiques.

Comme décrit plus haut, des attitudes positives ont un impact sur la gestion des émotions et sur les fonctions d’apprentissage. Ainsi nous pouvons comprendre aisément que pour que l’enfant puisse apprendre, il a besoin d’un cadre où il se sent aimé soutenu et bien-traité. De ce fait, l’école entre autre, devrait être un lieu où les émotions puissent avoir une place dès le plus jeune âge, où l’empathie et la communication non- violente seraient enseignées au même titre que les mathématiques et comme le souligne Jan Nelsen “un enfant fait mieux lorsqu’il se sent mieux”  car cela demande un apprentissage, de la qualité d’écoute et de la patience. Pour les enfants, nous sommes plus que des éducateurs, nous sommes des exemples et ils nous regardent avec attention.

Force est de constater que les chercheurs sont nombreux à dire qu’il est important de développer les compétences émotionnels afin de développer les compétences sociales. J’ai la conviction que la place donnée aux émotions à la maison et à l’école peut contribuer à un bien être global pour les enfants, les parents et les enseignants et in fine pour l’ensemble de la société. Pour reprendre les mots de Thomas d’Ansembourg, “la paix ça s’apprend“ et ça commence d’abord par soi même. En effet, on ne peut faire l’économie d’un travail sur ses émotions lorsqu’on évolue avec des enfants, l’on se doit d’avoir un regard lucide sur notre propre intériorité en tant qu’adulte afin de pouvoir accueillir celles des enfants avec ouverture et bienveillance.

Au vu de tous ces éclairages que nous apportent les neurosciences, on ne pourra plus dire qu’on ne savait pas. A tous ceux qui évoluent avec les enfants, il est de notre devoir de prendre soin de nous, de notre intériorité afin de prendre soin de celle des enfants. Il ne nous est plus possible de faire l’économie de ce cheminement car comme le rappel Janusz Korczak :“sois toi-même, cherche ta propre voie. Apprends à te connaître avant de prétendre connaître les enfants”. “Mesure les limites de tes capacités avant de fixer celle des droits et des devoirs des enfants”. “Vis-à-vis de tous ceux que tu pourrais avoir à comprendre, élever, instruire, tu es arrivé avant eux : c’est donc par toi qu’il faut commencer.”

Enfin, je terminerai sur les émotions qui m’ont accompagnées durant toute cette conférence, j’ai eu le coeur rempli d’espoir accroché à ce fil de l’empathie. J’ai questionné mes élans de vie, j’ai pensé à mes enfants, à leurs regards émerveillés face à la vie. Intensément, j’ai pensé à tous les enfants, à ce droit non négociable qu’ils ont d’être aimés inconditionnellement et d’être traités de la plus belle des façons. Je nous souhaite de ne jamais oublier que “les baobabs , avant de grandir, commencent par être petits”.

Ensemble, de tout notre cœur, accrochons-nous à ce fil de l’empathie.

Salima Azaroual

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